Emy Poirier est née prématurément. Les médecins ont dû lui administrer de l’oxygène pour compenser les défaillances de ses poumons, mais une erreur s’est produite. En trop grande quantité, l’oxygène a affecté ses vaisseaux sanguins, qui se sont décollés et se sont entortillés. Ultimement, tout ça a affecté la rétine de ses yeux. Elle est maintenant non‑voyante. De l’œil gauche, elle arrive parfois à voir des ombres et de la lumière. Mais les couleurs de l’automne, les lampions de Noël, les visages de ceux et celles qu’elle aime, tout ça restera à jamais un mystère. Peu importe. Emy arrive à saisir la vie à bras‑le‑corps.
Foncer tête première
Pour elle, tout ça comporte certains avantages. D’abord, les araignées ne lui font pas peur. Tout comme faire des culbutes à l’envers sur le trampoline. Emy ignore plus facilement la peur qu’engendrerait chez n’importe qui d’autre la vue d’un obstacle.
Avec son tempérament d’aventurière, il n’en faut pas beaucoup pour que le monde devienne son terrain de jeu.
« Des fois, quand j’étais plus jeune, ce que je faisais dans la maison, c’est que je me mettais à courir. Je courais et Bang! dans le mur. Je disais : aïe, maman, ma tête! Et je repartais. »
Emy adore courir et affronter ses craintes. Cette volonté de se dépasser, de bouger et d’essayer des choses en dépit des obstacles est fondamental chez elle. C’est probablement d’ailleurs pour cette raison qu’elle est l’une de nos athlètes ambassadrices et qu’elle sera présente avec les élèves de l’école Jacques‑Ouellette pour le volet scolaire du 40e Défi sportif AlterGo. Le constant désir de toucher à tout et d’essayer de nouvelles activités telles que la tyrolienne, le ski, la voile, le patin, l’escalade et le vélo est le symptôme d’une curiosité sans bornes et une envie de croquer dans la vie.
« Lorsqu’on se réunissait avec d’autres familles qui avaient des enfants non‑voyants pour s’informer et poser des questions, explique Edith, la mère d’Emy, je me rendais compte que les enfants ne bougeaient pas, restaient tranquille. Et je voyais Emy, debout sur la table, tout sourire. Elle bougeait, se déplaçait sans cesse. Je me disais Oh! C’est le genre de bibitte qu’on a, nous. »
Refuser d’abandonner
Le frère jumeau d’Emy est voyant. Il jouit d’une liberté de déplacement et d’une indépendance auxquelles elle n’a pas totalement accès. Mais peu en faut à la jeune fille pour refuser d’être sur la touche, de s’illustrer et de réclamer le droit de faire du sport.
Ses parents ont joué et continuent de jouer un rôle primordial dans son développement. Ils sont là pour elle et l’ont inscrite à l’école Jacques‑Ouellette, une école spécialisée pour les élèves qui ont un handicap visuel. Le personnel est formé et différents systèmes soigneusement élaborés permettent aux élèves comme Emy de profiter de la vie. Avec l’aide de l’école et de l’Institut Nazareth Louis‑Braille, les parents d’Emy se sont informés et se sont assurés de développer le sens du toucher alors qu’elle était encore bébé.
Continuer d’avancer
Aujourd’hui, la jeune athlète ambassadrice fonce et joint même à ses performances sportives une envie de chanter sur scène, comme quoi mille-et-une directions l’appellent.
« Malgré ses craintes, elle fonce, elle a la parlotte, elle pose beaucoup de questions, explique sa mère. Ses sourires, ses ricanements, ses questions loufoques, tout ça nous ramène à la base. Quand tu regardes des photos et des vidéos d’elle, plus jeune, tu te dis « Wow, on a relevé un million de défis! » Le fait qu’elle soit vivante, qu’elle soit en forme, en santé et que, par-dessus tout, elle veuille se dépasser, ça nous rend très fiers. »
La vue est considérée comme le sens le plus important chez l’être humain. Sans elle, il est facile de s’imaginer lourdement limité. Mais c’est en apprenant à connaitre des gens comme Emy qu’on se rend compte que la limitation peut aussi se trouver dans notre perception des choses. La force de caractère d’une personne, aussi jeune soit‑elle, et les gens qui l’entourent, influencent bien plus son parcours de vie que l’absence d’un sens.
